L’état du climat de l’Afrique reste préoccupant selon le récent rapport de l’OMM.

L’Organisation météorologique mondiale (OMM) dissèque la situation du climat de l’Afrique dans un rapport intitulé « l’État du climat en Afrique en 2024 ». Il a été présenté aux journalistes ce vendredi 09 mai 2025 via une conférence en ligne. Le rapport souligne l’augmentation continue des températures sur le continent, avec 2024 se classant parmi les années les plus chaudes enregistrées. Il met en évidence la survenue de phénomènes météorologiques extrêmes, tels que des inondations dévastatrices dans certaines régions et de graves sécheresses dans d’autres, exacerbés par des événements climatiques naturels comme El Niño. Le rapport aborde également l’impact de ces conditions sur l’agriculture et la sécurité alimentaire, ainsi que la nécessité de renforcer les mesures d’adaptation, malgré les contraintes financières et les efforts de transformation numérique pour améliorer les services climatiques.
Voici les points clés du rapport :
• L’année 2024 a été l’année la plus chaude depuis 1900.
Température : L’année 2024 a été l’année la plus chaude ou la deuxième plus chaude jamais enregistrée en Afrique depuis 1900, avec une température moyenne dépassant d’environ 0,86 °C celle de la période 1991-2020. La dernière décennie est la plus chaude jamais enregistrée sur le continent. Les anomalies de température exacerbent la pénurie d’eau, l’insécurité alimentaire et les atteintes aux écosystèmes, soulignant l’urgence de l’action climatique. En Afrique du Nord et dans le nord de l’Afrique australe, les anomalies de température ont été les plus fortes en 2024.
• Les Océans ont atteint des températures record en 2024.
La température de la mer en surface (SST) a atteint des valeurs record dans toute la région africaine en 2024, dépassant le record précédent de 2023. Le réchauffement a été particulièrement rapide dans l’océan Atlantique et la mer Méditerranée.Les vagues de chaleur marines ont touché la quasi-totalité de la zone océanique autour de l’Afrique en 2024, avec une intensité forte, sévère ou extrême, notamment dans l’Atlantique tropical. La superficie totale touchée en 2024 est la plus importante depuis 1993, dépassant les valeurs de 2023. Ces vagues de chaleur peuvent interagir avec les cyclones tropicaux et les intensifier.
Le niveau de la mer sur les côtes africaines monte à une vitesse comparable ou supérieure à la moyenne mondiale sur la période 1993-2024, sauf dans le sud de la mer Méditerranée où l’élévation est nettement moins rapide. L’élévation du niveau de la mer menace les populations côtières et les pays insulaires.
• Précipitations et Sécheresses plus violentes et mortelles.
Il ressort du rapport que le continent africain a été le théâtre de précipitations d’une intensité rare et de crues dévastatrices en 2024, entraînant décès, déplacements et dommages aux infrastructures. L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale ont subi des pluies torrentielles affectant des millions de personnes. En Afrique du Nord, des pluies sans précédent en septembre 2024 ont provoqué de graves inondations. Certaines parties du désert du Sahara ont reçu plus de cinq fois la moyenne annuelle de précipitations en août 2024, causant des crues inhabituelles et remplissant des lits de lacs asséchés.
• Les Sécheresses aggravées.
Des conditions plus sèches que la normale ont été observées dans de nombreuses zones, en particulier dans le nord de l’Afrique australe (où la sécheresse persiste depuis cinq ans) et dans les îles du sud-ouest de l’océan Indien. Une sécheresse prolongée en Afrique australe a eu de lourdes conséquences, notamment de mauvaises récoltes, l’insécurité alimentaire et des défis humanitaires. La baisse critique du niveau du lac Kariba due à la sécheresse a réduit la production hydroélectrique et causé de graves coupures d’électricité en Zambie et au Zimbabwe. Des conditions de sécheresse inhabituelles ont également été observées le long de la côte nord-ouest de l’Afrique, où la sécheresse sévit depuis environ six ans.
• Phénomènes extrêmes.
L’Afrique a connu une série de phénomènes météorologiques extrêmes en 2024. Les phases positives d’El Niño et du dipôle de l’océan Indien en 2023, prolongées début 2024, ont favorisé ces conditions. Des pluies rares et durables ont provoqué de graves crues en Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie, Burundi). Des glissements de terrain dévastateurs ont eu lieu en Éthiopie suite à de fortes précipitations. En Afrique australe, la sécheresse a été sévère, notamment en Zambie, au Malawi et au Zimbabwe. Des cyclones tropicaux (Belal, Gamane, Chido) et des tempêtes ont frappé le bassin du sud-ouest de l’océan Indien et les côtes africaines. Des vagues de chaleur sans précédent ont touché le Soudan du Sud, la Somalie et le Sahel, ainsi que plusieurs pays d’Afrique du Nord (Égypte, Algérie).
• Quelles Incidences sur l’agriculture et la sécurité alimentaire ?
L’année 2024 a été marquée par des déficits pluviométriques et des températures élevées affectant l’agriculture. La sécheresse en Afrique australe a fortement réduit les récoltes céréalières, notamment en Zambie et au Zimbabwe. Les crues en Afrique de l’Ouest ont détruit de vastes zones cultivées, contribuant à l’insécurité alimentaire aiguë dans certaines régions comme le nord du Mali. En Afrique du Nord, c’est la troisième année consécutive de récoltes céréalières inférieures à la moyenne. Les sécheresses et les crues ont entraîné des pertes de bétail et la destruction de terres cultivées en Afrique de l’Est. Les conflits, comme au Soudan, ont également gravement perturbé les activités agricoles et aggravé l’insécurité alimentaire.
• Le défaut de financement de l’adaptation.
Le manque de ressources financières continue d’entraver les mesures d’adaptation aux changements climatiques en Afrique, malgré une augmentation des fonds internationaux. Les coûts liés aux changements climatiques peuvent atteindre jusqu’à 5 % du PIB des pays africains, constituant un obstacle au développement et à la réduction de la pauvreté. Les besoins annuels estimés en financement pour l’adaptation sont largement supérieurs aux montants actuellement alloués.
• L’utilité de la transformation numérique. La transformation numérique est considérée comme essentielle pour améliorer la collecte de données, la précision des prévisions météorologiques et l’accélération de la fourniture de services en Afrique. L’utilisation de l’IA, des modèles de prévision numérique et des outils de communication mobiles peut améliorer les services, notamment pour atteindre les populations du « dernier kilomètre » avec des alertes précoces. Cependant, cela nécessite davantage d’investissements dans les infrastructures numériques, le renforcement des structures de gestion et de partage des données, et l’amélioration de l’accès équitable aux services.

En 2024, 18 SMHN (Services météorologiques et hydrologiques nationaux) africains ont optimisé leurs plateformes numériques pour améliorer la diffusion des services et des alertes. En résumé, le rapport révèle l’ampleur et l’intensification des incidences du changement climatique en Afrique, marquées par des températures record, une augmentation des phénomènes extrêmes (crues et sécheresses), des impacts sévères sur l’agriculture et la sécurité alimentaire, un réchauffement rapide des océans et des vagues de chaleur marines sans précédent. Le rapport souligne la nécessité urgente de stratégies d’adaptation et de renforcement de la résilience. L’OMM et ses partenaires s’efforcent de soutenir l’Afrique dans ce domaine, notamment via l’Initiative « Alertes précoces pour tous ». La transformation numérique est identifiée comme un levier important, bien que nécessitant des investissements accrus.
Hamidou TRAORE
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