La Mecque, l’Axe du monde.

L’axe du monde.
Pour les musulmans, La Mecque est le centre du monde. Identifiée au « nombril de la terre » (surrat al-ard), comme le fut Delphes dans un autre espace-temps, La Mecque a pour nom coranique Umm al-qurâ (Coran 6 : 92), c’est-à-dire « la Mère des cités », la ville primordiale qui est à l’origine de toutes les cités du monde.
Quant à la Kaaba, qui se trouve objectivement au centre de La Mecque, elle se situe sur l’Axe du monde.
Elle ne représente que le substitut terrestre des Kaabas célestes et surtout du Trône divin, qui domine et englobe tout à la fois ces sanctuaires. Les Kaabas célestes symbolisent les états multiples de l’être produits par la Manifestation universelle axiale. De même, les tournées rituelles (tawâf) des pèlerins autour de la Kaaba ne font que reproduire les tournées que les anges accomplissent en permanence autour du Trône.
Tous les pèlerins, il va sans dire, ne sont pas conscients de la portée métaphysique et cosmique des rites du Hajj. Quoi qu’il en soit, un des spectacles les plus impressionnants qui soient offerts dans le sanctuaire de La Mecque est ce mouvement circulaire incessant des pèlerins autour de la Kaaba : il se poursuit jour et nuit, puisque la circumambulation fait également partie du petit pèlerinage (‘umra), lequel, à la différence du Hajj, peut s’effectuer durant toute l’année.
D’évidence, on n’accède pas au Centre du monde sans provoquer une rupture avec la vie profane. L’état de sacralisation (ihrâm) retranche le pèlerin de sa condition ordinaire pour le remettre en harmonie avec celle de l’état primordial, matérialisée par le territoire sacré (haram) entourant La Mecque.
L’entrée en état d’ihrâm se fait à l’un des points précis situés sur le périmètre de ce territoire, en fonction de l’origine géographique. Pour ce faire, le pèlerin se purifie par une ablution complète, et revêt un vêtement particulier, sans couture et de couleur blanche. A partir du moment où le pèlerin a formulé son intention (niyya), il s’interdit certains actes comme les relations sexuelles, la coupe des cheveux ou des ongles.
Le territoire sacré, quant à lui, est régi par des règles spécifiques, qui se conçoivent bien lorsqu’on écoute cette parole du Prophète :
« Dieu a consacré ce territoire le jour où Il a créé les cieux et la terre. Il demeure donc sacré, de la sacralité même de Dieu, jusqu’au Jour de la Résurrection ».
On ne peut donc ni faire entrer ou sortir la terre qui se trouve dans ce territoire, ni y chasser les animaux sauvages, ni arracher les plantes qui y poussent naturellement. Les criminels peuvent y trouver asile, ainsi que les bêtes pourchassées. A La Mecque, les fautes ont plus de poids qu’ailleurs, car l’homme est mis directement dans la Présence divine. Quiconque connaît les lieux saints de l’islam peut attester que La Mecque est le lieu de la Majesté divine (al-Jalâl) implacable, abrupte, tandis que Médine, la ville du Prophète, incarne la Miséricorde divine (al-Rahma).
La quête islamique de l’Unité se manifeste avec une clarté quasi géométrique. Dieu est Un, et tout ce qui existe s’unifie en s’orientant vers cette unique origine. Toutefois, à l’intérieur de la Kaaba, l’orientation rituelle n’a plus lieu d’être, car les différences de directions sont abolies. Au centre du monde, les contrastes ou oppositions qui caractérisent ce dernier ne sont plus subis mais librement assumés. Relevons en passant la centralité des mausolées de l’islam chiite, situés au milieu d’une grande cour (sahn).
L’analogie avec la Kaaba est d’autant plus frappante que les pèlerins y effectuent par trois fois la circumambulation (tawaf) autour du sanctuaire. Durant les prières rituelles qui se déroulent tout autour de la Kaaba, surtout lors du Pèlerinage où la densité humaine est extrêmement grande, on ressent le flux des prières de tous les musulmans à travers le monde qui convergent, en permanence, vers La Mecque : du fait des décalages horaires, les cinq prières par jour deviennent multitude. On perçoit alors l’unité de la communauté musulmane et, au-delà, de la communauté humaine. Puisque les pèlerins proviennent de toutes les régions du monde, puis y retournent, quelque chose du Centre est ainsi disséminé à la périphérie. Par cette action répétée chaque année, la totalité de la communauté musulmane se trouve purifiée.Une parole du Prophète témoigne de cette diffusion concentrique de la baraka du Pèlerinage :
« Nul pèlerin, affirmait-il, ne prononce la talbiya (formule que nous allons évoquer plus loin) sans que les pierres, les arbres ou les mottes de terre se trouvant à sa droite et à sa gauche ne prononcent eux aussi la talbiya jusqu’aux confins de la terre ».
Tout endroit sur la terre, en effet, est rattaché de façon immédiate au Centre mecquois, et c’est en ce sens que le Prophète disait :« Dieu a favorisé ma communauté en lui donnant comme sanctuaire la surface de la terre toute entière ».
La tension des fidèles musulmans vers l’Un s’exprime par leur himma, ou « aspiration concentrative », vers le Centre. L’un des secrets du Pèlerinage, selon Ghazâlî, réside dans ces instants de communion des pensées, et des invocations qui sont adressées à Dieu lors de la « Station « à ‘Arafât.
La himma y est telle qu’elle provoque, dit-on, la précipitation de la pluie de la Miséricorde. De fait, dans ce climat désertique, le temps est souvent couvert, voire pluvieux, le jour de ‘Arafât uniquement.
De Oumma. Com.. Résumé de lautregard.
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