Crise climatique: Les évêques catholiques du Sud dénoncent le capitalisme vert et exigent une «application ambitieuse de l’Accord de Paris »

Crise climatique: Les évêques catholiques du Sud dénoncent le capitalisme vert et exigent une «application ambitieuse de l’Accord de Paris »

Par Hamidou TRAORE, (tr.hamidou@gmail.com)

Pendant que la COP30 qui se tiendra en novembre 2025 prochain au Brésil approche à grand pas, les évêques catholiques d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des Caraïbes tirent la sonnette d’alarme sur la nécessité d’endiguer le péril climatique mondialisé. Dans un contexte où des climatosceptiques sont à la tête des Etats reconnus principaux responsables de la crise climatique, les prélats exigent ainsi à travers une déclaration historique une « action climatique ambitieuse » et « une application rigoureuse de l’Accord de Paris ». En plus, ils appellent à une vraie transition énergétique juste en mettant fin l’usage des combustibles fossiles ; rejettent les fausses solutions comme la compensation carbone ; et exigent que les pays riches financent justement les pertes subies par le Sud sans les endetter davantage.

Cette déclaration des évêques a le mérite d’afficher la position d’une organisation religieuse sur un sujet aussi périlleux. D’ailleurs, ses auteurs, estiment qu’elle « approfondit la position de l’Église catholique comme force morale pour faire pression sur les gouvernements afin d’agir réellement sur la crise climatique ». Ensemble, leurs groupes représentent près de 821 millions de catholiques dans toute l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes d’après le bureau central des statistiques ecclésiastiques du Vatican. Pendant que nombres d’États parmi lesquels les grands pollueurs envisagent marcher à contre-courant des engagements climatiques, les évêques «exigent que les États mettent en œuvre des contributions déterminées au niveau national (NDC) ambitieuses à la mesure de l’urgence climatique et communiquent au monde comment ils appliquent les décisions collectives prises pendant les COP précédentes, y compris une transition énergétique juste ». Lorna Gold, directrice exécutive du Mouvement Laudato Si’, un réseau mondial de catholiques pour la justice climatique et écologique, a déclaré : « Les pays du Sud montrent aux pays du Nord à quoi ressemble la véritable responsabilité. Alors que nous voyons de nombreux États faire marche arrière dans leurs objectifs climatiques, l’Église catholique se lève pour de véritables solutions justes à la crise climatique».

L’Eglise catholique fidèle à sa position sur le climat.

La publication de cette déclaration a lieu pendant le dixième anniversaire de l’Accord de Paris sur le climat et le dixième anniversaire de Laudato Si’, l’encyclique décisive du pape François sur le climat et l’écologie. Rappelons que le pape François s’était employé à encourager l’adoption de l’Accord de Paris et le Vatican a constamment promu l’action urgente et ambitieuse sur le changement climatique cette dernière décennie. Cette année, le ministère socio-environnemental du Vatican, le dicastère pour le Service du développement humain intégral, mène une campagne d’un an, dénommée «Susciter l’espérance », pour encourager l’action continue. La déclaration des pays du Sud se base sur cet élan tout en reconnaissant aussi la nouvelle direction du pape Léon XIV, en particulier pendant sa première déclaration en tant que pape où il a exhorté l’Église à « construire un monde nouveau où règne la paix ! »

Monseigneur Allwyn D’Sylva, président du bureau du développement humain de la fédération des conférences des évêques d’Asie, a souligné que « les combustibles fossiles appartiennent au passé, l’avenir doit être alimenté par une énergie propre et renouvelable. Les pays du Sud, dont les communautés de l’Asie et du Pacifique, détiennent la sagesse et l’expérience nécessaires pour garantir que cette transition est juste et équitable pour tous.»

Vincente de Paula Ferreira, évêque du diocèse de Livramento de Nossa Senhora, à Bahia, au Brésil, et président de la commission spéciale pour l’écologie intégrale et l’extraction minière de la conférence nationale des évêques du Brésil a déclaré : « L’Église des pays du Sud lance son cri pour la justice climatique et la sauvegarde de notre maison commune. Avec courage, elle offre son témoignage prophétique dans un document publié par les commissions épiscopales et les conseils d’Amérique latine, des Caraïbes, d’Afrique et d’Asie. Ce texte rassemble la doctrine socio-environnementale et les expériences pratiques en dialogue avec la science.

Les grands responsables mis devant leur responsabilité.

Les prélats ont clairement identifié « ceux qui détruisent la Terre et proposent de fausses solutions », l’Église catholique du Sud appelle à « une transition visant à s’éloigner des combustibles fossiles, ainsi qu’à l’arrêt de toute nouvelle infrastructure associée, avec des calendriers clairs, des mesures concrètes de responsabilité et des politiques publiques adéquates ».

Les autorités ecclésiastiques appellent également à « résister aux programmes de compensation carbone et à la financiarisation des biens communs », et enjoignent les décideurs à « mettre fin aux combustibles fossiles en arrêtant tout nouveau projet d’infrastructure et en imposant une fiscalité juste à ceux qui en ont profité ».

Dans la foulée, ces religieux proposent sur plan de la finance climatique que « les nations riches doivent payer leur dette écologique avec une finance climatique juste sans endetter plus le Sud, pour récupérer les pertes et préjudices en Afrique, Asie, Amérique latine, les Caraïbes et l’Océanie ». Ils font ainsi référence à des décisions récentes parrainées par l’ONU en disant : « à la suite de profondes déceptions causées par le nouvel objectif collectif quantifié de financement climatique (NCQG), nous exigeons que la finance climatique soit transparente, accessible et distribuée directement et efficacement, sans intermédiaires, aux communautés les plus vulnérables afin de garantir le fait que les banques de développement et que les institutions financières n’investissent pas dans les combustibles fossiles et les projets d’extraction, qu’elle ne soit pas basée sur la financiarisation de la nature et qu’elle n’augmente pas la dette des pays du Sud ».

Dénonciation des fausses solutions du capitalisme vert !

C’est aussi une déclaration qui donne un autre son de cloche autre celui du capitalisme marchand. C’est dans ce sens que Vincente de Paula Ferreira, évêque du diocèse de Livramento de Nossa Senhora, à Bahia, au Brésil, et président de la commission spéciale pour l’écologie intégrale et l’extraction minière de la conférence nationale des évêques du Brésil a déclaré de cette position de l’Eglise : « C’est la clameur des nombreuses voix qui défendent les droits de l’homme et toute la création, qui dénoncent les fausses solutions du capitalisme vert, sa financiarisation vorace de la nature et la violence causée par des projets d’extraction à grande échelle et les transactions énergétiques. Tout ceci est fait au nom d’un modèle de développement qui ne bénéficie qu’à une petite partie de la population mondiale tout en condamnant des millions de personnes à la misère.

Pourtant, c’est également un message d’espoir qui montre que la durabilité de la vie sur terre dépend de la protection des forêts, des sources, de l’agroécologie, des peuples autochtones, des communautés quilombola, des femmes et d’autres. Que ce document inspire non seulement l’industrie dans nos églises, mais également la société mondiale à adopter un nouveau mode de vie enraciné dans l’écologie intégrale.»

Les évêques soulignent l’importance de la justice climatique pour les plus vulnérables, en mettant l’accent sur le rôle des femmes et en annonçant la création d’un Observatoire ecclésial sur la justice climatique.

Hamidou TRAORE

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