En Inde, l’histoire utilisée comme “arme” par les nationalistes hindous.

Faire de l’histoire une arme”, titre le magazine India Today en une de son édition du 7 avril. Sur la couverture, le portrait de l’empereur moghol Aurangzeb prend feu. L’hebdomadaire indien revient sur les violences qui ont secoué l’État du Maharashtra (Sud), à la fin du mois de mars, à propos de l’héritage controversé de ce souverain musulman, qui a régné sur l’Inde de 1658 à 1707.
Pour India Today, il ne s’agit que de la dernière tentative en date des partisans de l’hindutva, une idéologie qui prône la suprématie des hindous, de corriger ce qu’ils considèrent comme des distorsions historiques.
Les empereurs moghols qui ont régné sur une grande partie du sous-continent du XVIe au XVIIIe siècle sont honnis des nationalistes hindous, qui les prennent régulièrement pour cible : nombre de villes ont été renommées pour gommer leur passé musulman, les manuels scolaires récrits et l’histoire des dirigeants musulmans déformée.
L’instrumentalisation de l’histoire à des fins politiques est devenue monnaie courante en Inde. Si le Maharashtra est en ébullition, ce n’est pas à cause de la crise économique actuelle ou encore des problèmes d’infrastructures que connaît la région, mais en raison de “la tombe d’un empereur moghol décédé depuis longtemps, Aurangzeb, qui est mort en 1707”.
C’est un film de Bollywood, Chhaava, qui a mis le feu aux poudres, rappelle l’article. Cette épopée historique est centrée sur Sambhaji, fils de Chhatrapati Shivaji (1630-1680), un dirigeant hindou érigé en héros par les actuels nationalistes hindous.
Le film dépeint dans les moindres détails une “effroyable torture subie par Sambhaji aux mains d’Aurangzeb”. “Cela aura suffi pour que des fanatiques hindous appellent à la démolition du tombeau” de l’empereur, qui était pourtant resté intacte des siècles durant. Un appel qui a ravivé les tensions communautaires et entraîné de violents incidents.
“Carburant politique”
D’autres États indiens connaissent des phénomènes similaires. En Uttar Pradesh, mais aussi au Rajasthan, “des querelles pour des mosquées, des temples, des dargahs, des souverains oubliés et des manuscrits défraîchis” ont été déclenchées. Il s’agit d’une stratégie délibérée, affirme l’éditorial du magazine. “Lorsque la mémoire historique est utilisée comme carburant politique, elle devient combustible.”
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