« Il y a préjudice pour les finances publiques,mais pas pour l’économie Nationale » Analyse de HALIDOU OUEDRAOGO ECONOMISTE FINANCIER, A PROPOS DU RAPPORT 2023 DE L’ASCE-LC.

HALIDOU OUEDRAOGO ECONOMISTE-FINANCIER A PROPOS DU RAPPORT 2023 DE L’ASCE-LC.
Cet entretien est de nos confrères du journal ‘Le Quotidien « , que nous vous proposons en intégralité.
« En fait il y a préjudice pour les finances publiques, mais pas pour l’économie » ; » il faudrait d’abord intégrer la lutte contre la corruption dans le système de gouvernance de l’Etat et non l’isoler ». Tels sont les propos de Halidou Ouédraogo économiste-financier doctorant en science économique sur le rapport 2023 de l’ASCE-LC.
Nous avons échangé avec lui le 8 juillet 2025 sur le préjudice financier de plus de 150 milliards de FCFA. Il a appelé à des réformes institutionnelles pour endiguer le fléau de la corruption. Il n’a pas manqué de se prononcer aussi sur le nouveau découpage du territoire national. Lisez la suite !
Le Quotidien : Quel est votre regard global sur les conclusions du rapport 2023 de l’ASCE-LC faisant état d’un préjudice économique de 150 milliards de FCFA pour l’État ?
Halidou Ouédraogo : Sans remettre en cause, l’expression « préjudice économique » je ne partage pas trop cette expression pour désigner les conséquences des constatations faites par les contrôleurs et inspecteurs lors de leurs missions de contrôle. Pour être précis, s’il y a détournements de fonds publics, les intéressés devront rembourser les fonds de gré ou de force. Pour les fautes de gestion, elles ne causent pas toutes des préjudices. L’ASCE-LC devrait revoir l’usage de certaines expressions et être précise dans ses rapports. Mon regard est que des réformes institutionnelles devraient être rapidement envisagées pour arrêter l’hémorragie des ressources financières publiques. A quoi cela sert véritablement de constater des préjudices pendant qu’on peut les éviter facilement à travers un renforcement du contrôle interne et en responsabilisant davantage les acteurs de la gestion des finances publiques.
Quelles pourraient être, selon vous, les causes économiques et structurelles de ce type de pertes financières dans l’administration publique ?
Les causes économiques et structurelles de ce type de pertes financières dans l’administration publique sont globalement la faiblesse de la gouvernance économique et financière au niveau de l’administration publique.
En d’autres termes, comment on peut confier des milliards à une personne pour gérer sans un contrôle régulier et systématique ?
Les gestionnaires sont souvent laissés à eux seuls pendant plusieurs années sans contrôle et sans suivi, toute chose qui ouvre la voie à des abus. A quel point un tel préjudice financier peut-il impacter la croissance économique nationale à court et moyen termes ?
En fait il y a préjudice pour les finances publiques, mais pas pour l’économie. C’est possible que cela ait été profitable à l’économie et partant sur la croissance économique nationale à court et moyen termes. Pour mieux vous faire comprendre, prenons le cas de Teignan, dont le procès a eu lieu en 2024. Toutes ces malversations ont causé des préjudices sur les finances publiques, mais comme il a investi dans beaucoup de projets, cela a profité à l’économie et partant cela va influer sur la croissance économique.
Quelles réformes ou mécanismes de contrôle recommanderiez-vous pour réduire significativement ce type de pertes dans les finances publiques ?
Pour réduire significativement ce type de pertes dans les finances publiques, il faudrait d’abord intégrer la lutte contre la corruption dans le système de gouvernance de l’Etat et non l’isoler comme cela l’est actuellement. En outre, il faudrait renforcer le contrôle interne, de rendre transparent les procédures de passation des marchés et de responsabiliser davantage les acteurs.La forme actuelle d’intervention de l’ASC-LC n’est pas favorable à une meilleure lutte contre la corruption. En plus du renforcement du contrôle interne, il faudrait renforcer la justice notamment les pôles économiques.
Comment renforcer la collaboration entre les institutions de lutte contre la corruption et les acteurs économiques pour plus d’efficacité ?
Il est nécessaire de renforcer le système de gouvernance à travers l’informatisation des processus et la dématérialisation des actes. Vous savez qu’au privé, la corruption est un secret de polichinelle pendant qu’elle existe comme un instrument résiduel. Donc parler de corruption avec le secteur privé, ce n’est pas la bonne forme de lutter contre la corruption. Il appartient à l’Etat de renforcer son système de gouvernance qui préservera les intérêts de l’Etat.
Quel lien faites-vous entre une gouvernance territoriale décentralisée et la réduction des pertes financières comme celles dénoncées par l’ASCE-LC ?
Je pense qu’il n y a pas de lien entre entre une gouvernance territoriale décentralisée et la réduction des pertes financières comme celles dénoncées par l’ASCE-LC en ce sens que nous avons à faire à des acteurs de gestion de la chose publique sur des territoires aussi bien national que des territoires décentralisés.
Pensez-vous que le nouveau découpage en 17 régions et 47 provinces, avec des noms endogènes, peut améliorer l’efficience économique et administrative de l’Etat ? Pourquoi ?
Le nouveau découpage pourrait à travers le sentiment d’appartenance des populations et leur forte responsabilisation contribuer à améliorer les facteurs socio-culturels et non pas forcément l’efficience économique et administrative de l’Etat. Vous conviendrez avec moi que pour un même espace national, passer de 13 régions et 45 provinces à 17 régions et 47 provinces ne s’inscrit pas forcément dans l’efficience administrative. Certains spécialistes prônent plutôt la réduction du nombre de régions et du nombre de provinces. Pour améliorer la croissance, il faudrait travailler et renforcer la production dans tous les domaines at apport de la valeur ajoutée.
Quels pourraient être les effets économiques positifs ou négatifs d’un tel découpage sur la répartition des ressources et des investissements publics?
Le niveau de ressources publiques n’ayant pas augmenté, l’augmentation du nombre de régions administratives et du nombre de provinces va certainement impacter la répartition des ressources et des investissements publics. En effet, pour certains investissements tels que les infrastructures universitaires, les gouvernorats et les hauts commissariats, etc. l’Etat devrait trouver des ressources pour doter les nouvelles régions et les nouvelles provinces d’infrastructures. En tout état de cause, le découpage pourrait contribuer à améliorer certains indicateurs économiques relatifs à la production, à la demande et aux échanges commerciaux, etc.
Ce nouveau découpage peut-il favoriser une meilleure planification du développement local ?
Quels sont les risques éventuels ?C’est possible que ce découpage favorise une meilleure planification du développement local à condition que les moyens soient mis en œuvre pour élaborer les outils et instruments de planification appropriés, notamment les schémas d’aménagement du territoire, nécessaires à une organisation spatiale desdits territoire, en lien avec les interventions des acteurs économiques.
Comment l’Etat peut-il veiller à ce que cette réforme ne creuse pas davantage les inégalités entre les territoires ?
En fait cette réforme ne peut pas creuser d’inégalités entre les territoires en ce sens que c’est une réforme administrative. Ce qui peut creuser les inégalités, ce sont les différents investissements et projets qui seront exécutés dans les différents territoires. Ce que l’Etat pourrait faire pour consolider cette réforme c’est de renforcer la sensibilisation et de se donner les moyens de procéder à une évaluation deux années au moins après afin de procéder éventuellement à un recadrage politico technique.
Avez-vous quelque chose à ajouter pour clore notre entretien ?
La gouvernance économique et la gouvernance administrative font partie des gouvernances les plus complexes et dont les paramètres évoluent rapidement. Il est donc nécessaire de procéder régulièrement à des évaluations et de procéder à des ajustements afin de s’assurer de l’efficacité des réformes y relatives.
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